Prologue
L’Escadron Étrange, enfin au complet, accompagne le Pr Charpentier à l'Exposition Universelle de Bruxelles afin de garder un œil sur celui de Xorn. En effet l'artefact martien est un élément essentiel dans la lutte contre Druso, la planète vivante, qui s’apprête à envahir la Terre de ses hordes insectoïdes. Sur place, ils assistent à de bien étranges événements où la réalité semble prise de folie. Ils soupçonnent M. Soleil d'en être à l'origine.
Il pleut un vilain crachin belge. Albert et moi nous nous dirigeons vers le pavillon indien afin d'en savoir plus sur l'incident d'hier. Nous rencontrons le responsable de l’exposition indienne mais ne pouvons voir le Pr Randrasekar, créateur du canon dédoubleur. Le chargé des relations publiques nous explique que les gens touchés par le rayon subissent en fait une scission avec deux corps mais seulement la moitié de leurs organes. Ils ont dû faire appel à un puissant yogi pour les maintenir en vie, le temps que le Pr inverse le processus. Nous insistons pour avoir une entrevue avec le savant mais rien n’y fait.
J'ai décidé de retourner à la galerie Vulfer afin d'utiliser les talents mystiques de mon alter-ego pour d'enquêter plus avant sur ce peintre, un certain M.C. Escher. Chemin faisant, je tombe sur un attroupement. Un couple de mondain raconte l'étrange aventure qui leur est arrivé lors de la nuit dernière. Alors qu'ils déambulaient en ville, les rues sont devenues un labyrinthe non euclidien, composé d'architectures déformées et hallucinatoires jusqu'à ce que cela prenne fin brutalement et qu'ils retrouvent leur chemin. Je poursuis ma quête et pénètre dans la galerie où je rencontre Léon Vurfel. Après une courte discussion, j'obtiens l'adresse du peintre puis décide de revoir de plus près son oeuvre et notamment cet unique tableau représentant le sol de Mars et l'insecte cracheur de plasma.
Alors que je balade avec Aymeric le long des stands de l'Exposition Universelle, des éclats de voix attirent mon attention. Devant le pavillon amérindien, une bande de peignes-cul sont en train de déverser leur haine juvénile et leur mépris de classe sur une sorte de captain comanche, avec plumes, collier et tout le toutim et qui reste imperturbable devant leur volonté de l'humilier. J'invective vertement les jeunes cons qui s'échauffent. Ce sont des belges, mais ce ne saurait être une excuse, alors avec mon compatriote on leur explique notre contrariété face à leur comportement à coup de pompes dans le cul et de bourres pif. Ils s'en vont en se plaignant comme des ados vexés. Aymeric en profite pour se faire tirer les lignes de la main par le peau-rouge. Ce dernier entre en transe puis nous débite une phrase sibylline comme quoi l’explorateur-romancier “est partout dans le passé comme dans le futur”. Il a sûrement confondu sa prédiction avec un slogan de l’éditeur de mon camarade .
L’heure du repas est arrivée. Je pose les outils de précision à côté du portail de téléportation et sort le Pr Charpentier de ses intenses réflexions techniques lui rappelant qu’il faut qu’il s’alimente et que nous avons rendez-vous avec nos amis. Puis je décroche l’Oeil de Xorn, le range dans ma sacoche et sortons du local après que je l’ai verrouillé. À mes côtés, le Pr est toujours peu attentif au monde qui l’entoure cherchant surement de meilleures configurations pour sa machine. Lors du repas, Aymeric et Albert parlent au professeur d’un de ses collègues indiens. Le Pr le connaît et mes deux camarades souhaiteraient avoir une audience. Notre savant, dès le repas fini s’en va vers le pavillon indien voir ce qu’il peut faire alors que nous nous étonnons de l’absence de Félix. Notre homme de science revient bientôt en indiquant que le Pr Randrasekar les attend. Pour ma part, je retourne auprès du portail de téléportation pour aider à ses derniers réglages.
Me voilà reparti pour le pavillon indien avec un Albert moins grognon semble-il. Je mettrais bien cela sur le compte du repas si le soldat pouvait manger, mais dans son état c’est clairement un des plaisirs auquel il n’aura plus accès. C'est donc surement la correction qu'il a mis aux belges irrévérencieux qui l'a mis en joie. Nous trouvons le Pr Randrasekar au milieu de sa machine entièrement démontée. Le pauvre homme à l’air épuisé, échevelé et au bord de l’effondrement nerveux. Il nous apprend que sa machine ne sera plus utilisable d’ici la fin de l’Exposition et s’en désole. Alors que nous l’interrogeons sur un possible incident survenu précédemment à l'accident d’hier, il nous révèle que la veille il avait eu une de ces expériences hallucinatoires peuplée d’engrenages non-euclidiens dans les fourrés derrière son atelier, accompagnée d’un fort sentiment de dégoût. Expérience étrange que nous avons vécue nous-mêmes bien qu’Albert continue de le nier avec toute sa volonté farouche de Premier Soldat de France.
Albert et Aymeric sont de retour alors que je suis plongé dans les câbles reliant le portail au pupitre de commande. Ils semblent évoquer le fait qu’à leur yeux je perds mon temps dans cet exercice et exige que je les rejoigne dans un vrai travail digne d’un membre de l’Escadron Étrange. Ils expliquent au Pr Charpentier qu’il est temps de faire une pause car je dois les suivre ainsi que l’Oeil de Xorn. Ils sont inquiets car sans nouvelles de Félix et préfèrent m’avoir à leur côté en cas de difficulté. Je les suis sans discuter.
Nous avons récupéré notre automate qui glande depuis le début avec notre Pr Nimbus sur sa machine à déplacer la matière sur une distance aisément accomplie en courant. Bref, Félix n’est pas revenu, pas de nouvelles ni de lui, ni de son prince égyptien avec qui il partage son corps. Nous filons à la galerie Vulfer. Nous découvrons rapidement notre mystique les doigts posés sur le tableau d’Escher faisant référence à Mars, immobile, le regard fixe, la bave aux lèvres. La galeriste, nous apprend qu’il est comme ça depuis son arrivée le matin, 5 heures plus tôt mais qu’elle n’a pas eu le courage de le déranger vu que nous sommes tous un peu bizarres. Je m’approche du collègue, soulagé de constater qu’il n’y a pas encore de flaque sous lui et lui retire la main du tableau. Il revient immédiatement à lui.
Nom d’un scarabée ! Que font mes collègues autour de moi. Je suis arrivé ce matin à la galerie, ai discuté avec M. Vulfer, le propriétaire. Je suis arrivé à gagner suffisamment sa confiance pour lui soutirer l’adresse de ce peintre fantasmagorique, M. Escher. Puis j’ai décidé d’aller revoir cet étonnant tableau représentant un paysage martien avec son insecte cracheur de plasma en plein milieu, afin d’utiliser dessus les pouvoirs médiumniques de l’esprit qui m’habite. Je me vois poser délicatement mes doigts sur le cadre du tableau et puis… me voilà le soir entouré des membres de l’Escadron Étrange. Entre les deux, le visage d'un homme et d'une femme s'enroulant, se répétant à l'infini... et une forte envie de passer aux toilettes.
Notre bataillon s'en repart à l'adresse de l'artiste. C'est son épouse qui nous ouvre l'huis d'un petit appartement au premier étage d'un modeste immeuble. Avant qu'elle ne soit effarouchée par mon aspect peu humain ainsi que celui d'Ozie, je nous présente rapidement, la rassure sur nos intentions et sur notre volonté d'aide pour son mari. Nous trouvons le peintre à sa table à dessin, s'acharnant fébrilement. Sa femme nous explique qu'il semble plongé dans une transe créatrice depuis une semaine. Il ne s'arrête que lorsqu'elle le nourrit ou quand elle le couche, épuisé. Autour de lui, des monceaux de dessins, d'esquisses, le tout en grand désordre. Félix reconnaît par terre un tableau représentant la vision dans laquelle il était enfermé durant la journée à la galerie. J'essaie d'entrer en interaction avec Escher mais celui-ci ne répond à aucune question, semblant à peine percevoir notre présence, griffonnant obsessionnellement. Son épouse nous précise qu'il est ainsi depuis la veille de son exposition. Elle nous indique aussi que 3 teutons sont passés
la voir. Deux mastards à cou de bœuf accompagnés d'une dame à l'aspect indien correspondant à la description de Shani. Ah la perfide ! Ah la drôlesse traîtresse ! L'indienne vilaine ! Travailler pour les bochs ! Si je lui mets la patte dessus, je lui expliquerai toute l'erreur de sa décision et ce de façon foudroyante ! J'entends à la lisière de ma juste ire mes camarades évoquer le fait que nous avons besoin d'aide dans cette affaire. Comme le mal semble toucher l'esprit du peintre, notre camarade Makolé, surhomme africain pouvant pénétrer dans les contrées du rêve semble tout indiqué. Nous rassurons Mme Escher quant à notre retour dans les plus brefs délais afin de délivrer son mari du mal qui l'habite, et cela possiblement dans la nuit puis nous prenons congé.Il fait faim. Je n'ai rien absorbé depuis le matin, l'étant moi-même dans ce maudit tableau. Nous nous mettons fort heureusement en quête d'un restaurant lorsqu'un appel à l'aide retentit dans une rue non loin de nous. Nous nous précipitons pour assister au combat de Makolé contre une créature impossible. Notre ami africain a visiblement le dessous face à une forme humanoïde d'environ 2m50 faite d'engrenages bizarrement déformés.
Makolé est en danger ! Une forme lui a agrippé les mains et le force à ployer sous elle. Je fonce à pleine vitesse pour la percuter et l'obliger à lâcher sa proie. Mais je semble aller au ralenti et me projeter dans tout les sens comme si je me diffractais dans un palais des glaces dément.
La main déjà sur mon Raygun, j'invective la créature "M. Soleil". Cela la fait réagir et je suis pris de vertige alors que la perspective autour de moi bascule et que le monde semble être devenu un kaléidoscope aux mains d'un dieu fou.
Décidément l'air belge n'a pas l'air de me réussir. Je vois Makolé se faire agresser mais je n'arrive pas bien à voir par qui. Au diable, j'envoie un éclair vers le malandrin qui semble alors perdre des bouts sans plus d'effet. Surement le pouvoir déviant d'une surhomme à Mabuse, n'en doutons pas.
Je percute enfin l'étrange forme avec la sensation ouaté de m'enfoncer dans un édredon.
Par tous les pharaons d’Égypte, des fenêtres de maisons se changent en rue soudainement alors qu'Ozie qui vient de rentrer dans la créature à toute vitesse semble déjà être au bout de notre rue ! L'adversaire quant à lui perd des engrenages à chaque coup reçu. J'ai laissé place à Aménosis qui projette une lourde plaque d'égout qui heurte la monstruosité géométrique. D'autres engrenages se détachent et une rue redevient fenêtre.
Un cri résonne dans une rue adjacente. Une femme me désigne son fils juché en haut d'un escalier à l'envers. L'enfant, la tête en bas se retrouve sous un balcon, son ballon encore à la main. Malgré tout, je vise l'être impossible avec mon Raygun afin d'en finir avec cette folie.
Malgré la sensation d'être tombé dans une mer de coussins moelleux, je continue de pousser dans la même direction de toute la force de mes membres mécaniques. J'ai la ferme impression que ce drap élastique se tend et se déforme sous la poussée que j'accentue. Je perçois des engrenages flous qui se distendent à la périphérie.
Autour de moi, les rues tournent, s'enroulent, le décor semble se déplacer à l'unisson avec les engrenages de cette impossible créature. Mon rayon le frappe de plein fouet et un peu de sa substances disparaît encore.
Je sens que la toile élastique arrive au bout de sa résistance sous ma charge. J'entends comme un bruit de papier déchiré et tout redevient normal. Fenêtres, rues, enfant ont repris leur place, la réalité fait à nouveau valoir ses droits. Makolé est à genou à côté de moi, le nez ensanglanté. Je l'aide à se relever.
Je remets mon arme dans son étui et m’approche avec Félix et Albert de notre collègue africain. Il nous explique qu’il se baladait après sa sortie de l’Exposition Universelle et se dirigeait vers la galerie Vulfer quand soudain les rues devinrent labyrinthiques et la créature s’est jetée sur lui, ne lui laissant le choix que de se protéger de ses bras alors qu’elle pesait sur lui de toute sa masse. Nous lui demandons s’il est suffisamment remis pour nous accompagner chez Escher.
Mon alter ego m’a rendu les commandes alors que Makolé nous racontait son aventure. Nous le conduisons chez le peintre possédé. Sa femme nous fait entrer malgré l’heure tardive. Le surhomme africain pose ses mains sur la tête d’Escher qui continue inlassablement à crayonner. Il me semble entendre comme des tambours résonner au loin. Makolé songeur demande une chaise, se concentre intensément puis affirme que l’esprit de l’artiste est labyrinthique mais indubitablement sous influence et que pour l’en libérer il lui faudra l’aide de plusieurs esprits - posant son regard sur chacun d’entre nous - ainsi qu’un artefact : Le Tambour des Âmes, volé à son peuple et remisé dans le pavillon belge de l’Exposition Universelle.
Les vapeurs électriques qui constituent mes sens croisent les yeux mécaniques de mon ami synthétique dans une compréhension mutuelle et silencieuse. Une entrée discrète de nuit par effraction. L’emprunt d’un objet sans attendre une quelconque permission administrative. La routine…