Prologue
L’Escadron Étrange a mis fin aux sombres agissements des agents de La Cagoule qui voulaient mettre à genoux les forces de gauche françaises en désévoluant ses principaux acteurs. Ce faisant, ils ont libéré un voyageur du temps qui les a mis en garde contre la menace imminente de Druso, la planète vivante.
Pauvre Jessica, depuis qu’elle est devenue ma fiancée, elle n’a connu que déboires et dangers. Je crains qu'elle ne se fatigue des complications de notre vie et je me demande sincèrement si inconsciemment, tous deux, nous ne regrettons pas certains aspects de ma forme bestiale. Il faut que je me renseigne sur cette nouvelle médecine de la psychologie du Docteur Freud.
De nos déboires, il ne nous reste que de vagues sensations et des visions troublantes teintées de rouge. Maudits soient ces fanatiques d’extrême droite.
Mais le devoir m’appelle et attablés dans notre QG, "le Café du Radium", nous faisons le point sur les informations à notre disposition grâce à cet explorateur temporel horriblement défiguré. D’après ce que François a compris - c’est le seul à avoir suivi à peu près l’explication - nous sommes en possession d’un détecteur, sorte de machine cuivrée qui permet à l’aide d’une luminescence issue d’un cristal rouge de se savoir en présence d’un nœud temporel à ne surtout pas perturber. Nous disposons aussi d’une balise qui, couplée à l’œil de Xorn, devra être activée quand le ciel deviendra rouge, accompagné d’une pluie noire et de la disparition des étoiles ; ce qui signifiera que Druso arrive.
Mais voilà le professeur Charpentier avec qui nous avons rendez-vous qui arrive. Nous lui demandons son Œil de Xorn mais il nous explique qu’il en a un besoin impérieux pour faire fonctionner le portail de téléportation qu’il compte présenter dans quelques jours à l’Exposition Universelle de Bruxelles.
Nous décidons spontanément de l’accompagner comme il le souhaite pour protéger la relique qui semble indispensable pour contrer l’ennemi insectoïde qui compte s’en prendre à l’espèce humaine. D’ailleurs François prend, avec le professeur, le chemin de la Sorbonne afin d’y récupérer l’artéfact martien dont il compte, à l’évidence, s’en faire le gardien.
Félix, Albert et moi-même retournons à la citadelle Montmartre du C.I.D. où nous retrouvons, dans les appartements qui lui ont été alloués, le voyageur d’un autre temps. Pauvre créature dans son élégant costume, les cheveux blancs filasses, le visage atrocement brûlé dans lequel le nez manque. Nous tentons d’en savoir plus sur son compte. Nous lui demandons son nom et ses liens avec l’insaisissable M. Soleil mais sa mémoire semble grandement défectueuse et il se prend soudain la tête dans le main en hurlant de douleur. De peur qu’il ne subisse une apoplexie, nous cessons et il ne peut que nous répéter ses mises en garde contre l’arrivée de Druso, la chute de l’humanité et la Terre prise dans les glaces. Il se souvient à peine de son départ en 1986, l’altercation avec l’ami - M. Soleil - avec qui il a mis au point l’unique combinaison temporelle et qui lui a tiré dessus, endommageant l’une de ses bonbonnes de fluide chronos.
En aparté, le Nyctalope nous précise que les scientifiques ont détecté des “choses” qui se baladent dans son cerveau. Quant au détournement des électro-lances par la Cagoule, l’usine Maréchal et Ferrant usinaient certaines pièces permettant leur fabrication. Et puisque nous accompagnons le Pr. Charpentier à Bruxelles, il nous indique une petite officine du C.I.D. qui s’y trouve.
Nous nous retrouvons le lendemain devant la camionnette modifiée avec énormément d'attention par le Pr. Charpentier, emplie de tout son matériel permettant de monter son portail. Nous nous entassons dans le véhicule et partons en direction de Bruxelles. Chemin faisant nous devisons, François ne quittant pas son sac contenant le précieux joyaux martien. Le Professeur nous explique que pour l’instant sa téléportation n’est efficace qu’à 10 mètres.
Arrivés dans la capitale Belge, nous déposons rapidement nos affaires à l’hôtel puis filons à l’exposition. Mais là bas, déception. Notre cher Charpentier a été oublié et se voit reléguer dans un sombre débarras. Mais qu'à cela ne tienne, nous nous en contenterons, "la science avant tout" comme nous le fait remarquer notre ami. Nous traversons l’exposition dont le thème est l’Afrique et les bienfaits de la colonisation. Présentant des stands où de soi-disant villages autochtones ont été reconstruits, exhibant leurs indigènes nègres en pagne avec colifichets et coiffes exubérantes. Un sentiment de gène m’envahit, le malaise monte et m’étreint et le doute m’habite. A la vue de ses conséquences, le colonialisme ne me parait plus si progressiste qu’il me l’avait semblé être jusque là. Ma foi envers les bienfaits de l’occident vacille sous les questionnements de François qui semble étonné et dans l’incompréhension face aux traitements de l’humain envers ses semblables. Seraient-ce des conséquences de ma régression récente ? Décidément, j'ai l'impression d'avoir été comme "déconstruit" et me sens plus "éveillé".
Pendant que le Professeur et François déchargent le matériel, Albert s’en va espionner le pavillon allemand où l’ingénieur Hermann Sorgel vante les prodiges de son projet Atlantropa. Pour ma part, n’appréciant pas la façon cavalière dont est traité notre docte savant, je m’en vais convaincre les officiels de l’Exposition Universelle de lui allouer un meilleur local. Félix s’en va baguenauder vers le pavillon anglais.
Félix revient avec une tout autre histoire. Il raconte que passant devant un enclos contenant un rhinocéros il a vu soudain ce dernier présenter sa corne à l’envers puis les barreaux de sa cage étaient à l’horizontale alors que les arbres du décor s’emplissaient d’engrenages et de solides platoniciens non euclidien. Comme il avait remarqué la scène du coin de l'œil, tout était normal quand il prêtait plus d'attention. Au pavillon anglais, il y croisait une magnifique indienne. Albert le regarde d’un œil louche. Pariant plus sur l’abus d’alcool ou quelque effet de la gent féminine sur un esprit inhabitué à l’un comme à l’autre. Nous laissons François qui ne lâche pas d’une semelle le savant et l'Oeil de Xorn, mettant à disposition ses connaissances scientifiques et mécaniques pour le remontage du portail, et allons voir cet enclos hallucinatoire. Mais tout semble normal ce qui conforte le Premier Soldat de France dans son analyse de notre camarade bipolaire.
Le lendemain, il pleut. Le Pr. et François préparent la première démonstration du fabuleux portail. Je m’en vais avec Félix voir l’exposition de peinture à la galerie Vurfel. Nous sommes accueillis par Juliette qui nous vante les différentes toiles de ce M. Escher Maurits Cornelis. Elle nous annonce que nous venons de croiser Monsieur Vurfel en entrant. Nous ressortons pour interpeller le bourgeois et nous présentons mais ce Monsieur nous néglige , ignorant tout de nous et nous demande de prendre rendez-vous avec son employée. Je dois admettre que je suis vexé que la renommée de l'Escadron Étrange et le succès de mes ouvrages n'aient pas, en Belgique, la reconnaissance qu'ils ont ailleurs. Nous rerentrons et examinons les œuvres puis nous arrivons devant une peinture bien singulière par rapport aux autres, d’autant plus que j’y reconnais un paysage martien et un de ces insectes cracheur de plasma que nous affrontâmes sur la planète rouge. Alors que je m’en ouvre à la galeriste, Félix m’interrompt et discrédite mes propos me faisant passer aux yeux de la dame pour quelque illuminé alcoolique bon pour l’asile. Je prends congé et sors, furieux. Dans la rue, oubliant toute retenue, peut-être une autre conséquence de ma régression, j’attrape mon partenaire mi-homme mi-égyptien par le col et le menace de lui casser la figure s’il s’avisait un fois encore de m'humilier.
Alors que les autorités remplacent la serrure, le nègre se présente. Makolé, Bangala du Congo, surhomme africain. Nous le saluons chaleureusement, le remercions grandement et lui proposons de nous retrouver autour d’un verre, plus tard.
François et Charpentier se remettent au travail pour régler plus finement la machine tandis que Félix reste avec eux, sûrement échaudé par notre altercation.
Albert et moi nous déambulons jusqu’au pavillon indien où nous attend un spectacle édifiant. Un autochtone enturbanné, juché sur un canon devenu fou, tire sur la foule en fuite. Au contact du rayon les gens se trouvent dédoublés. Nous fonçons en contresens pour stopper la machine infernale mais soudain le décor également devient fou. Le pavillon se transforme par endroits en d’étranges rouages parcourus de solides platoniciens non euclidiens. Je tire avec mon raygun sur le canon, mais le rayon ne cesse de ralentir jusqu’à être suspendu dans le vide alors que j’ai l’impression de faire du surplace. Albert tente de contourner le phénomène mais pareillement sa course se ralentit à l’extrême et lorsque que le phénomène disparaît enfin, nous nous retrouvons de nuit au milieu d’une place vide.
Nous nous retrouvons plus tard au restaurant en compagnie de Makolé. Il nous explique être le shaman de sa tribu en quête d’un objet volé aux siens et présenté à l’exposition. Je lui conte en retour notre aventure indienne et il répond avoir été témoin du même phénomène. Il a entraperçu à la périphérie de sa vision une forme humanoïde faite de rouages et de solides déformés mais ne s'en est pas alarmé comme la forme n'avait pas l'air menaçante.
François nous lance dans des réflexions sur la colonisation qui me perturbent encore en interrogeant à ce sujet M. Makolé. Puis l’automate nous suggère que M. Soleil n’est peut-être pas étranger aux perturbations de l’Espace et du Temps dont nous fûmes victimes. L’être temporel nous suivrait il ?
Nous finissons en évoquant nos objectifs pour le lendemain. Félix souhaite suivre la piste du peintre de la galerie Vurfel. Albert et moi comptons tirer au clair l’épisode du pavillon indien. Quant à François, aussi régulier que la mécanique qui l’anime, il reste auprès du Professeur et de l’Œil de Xorn.