samedi 29 juin 2019

Mutant Année Zéro - Chapitre II


La source


Soudain, à l’étage, j’entends Redrock qui crie « Les cannibales, Ils arrivent ! ». Je vois Marv qui remonte l’escalier. Je fonce dans le noir vers la faible lumière conduisant à la volée de marche, bousculant des morceaux au sol que j’imagine être les reliefs immondes des repas des anthropophages. Autour de moi, j’entends les râles des désespérés comprenant la fatalité de leur situation alors que j’atteins le bas de l’escalier avec cette impression de quitter le tombeau pour renaître à l’existence. Pas d’hésitation ; dans notre monde il ne peut y avoir de place pour la pitié si l’on veut survivre.


A l’étage je retrouve Marv pesant de tout son poids contre la porte, le fusil de Redrock stabilisé sur son épaule. Il fait feu et un cri retentit de l’autre côté. J’invective Redrock pour qu’il m’aide à soulever une poutre en acier, traînant sur le sol, et bien trop lourde pour moi. Nous calons la porte avec, libérant Marv juste au moment où une lance surgit du trou laissé par le tir de fusil. Denrik scrute par une fenêtre ouvrant sur un mur, plus loin. « On se barre ! » dit-il tout en enjambant le rebord. Sans hésitation, je le suis ainsi que mes camarades. Nous fuyons à toutes jambes, poursuivis pour un temps par les mangeurs de chair mutante avant de les semer définitivement.

Nous rentrons à l’Arche où je remets l’artefact trouvé dans le repaire des cannibales, au Sanctuaire du Renouveau pour étude. Pendant notre expédition, il y a eu deux nouveaux décès dans l’Arche. La population meurt de soif et si notre projet Terrafermar avance bien grâce aux efforts de Marv et Redrock, le manque d’eau devient un problème dont il faut s’occuper urgemment.
Un Caïd, Marlotte, a lancé une expédition en ce sens mais aucun membre n’en est revenu. Une de mes connaissances a justement des renseignements fiables sur une source d’eau potable dans la région. J’en informe mes camarades qui contactent ce Caïd qu’il connaissent afin qu’il soutienne notre projet. Il nous fournit en vivre et ration d’eau et nous confie deux esclaves : Felin et Piro.

Le surlendemain de notre retour, Redrock dirige notre petite troupe grâce aux informations de mon contact. Nous explorons prudemment la Zone. À ce rythme, Denrik estime à 16 heures le temps pour arriver à la Source.
Pour l’instant, nous marchons au milieu de ruines de maison de 2 à 8 étages mangées par une végétation aux teintes verts foncés ou marron clair. Les endroits dégagés sont recouverts de cendres. Redrock nous fait presser le pas car il y a ici un fort taux de Souillure et la fatigue se fait rapidement sentir. Tout à coup, un immense trou dans le sol révèle des escaliers descendant vers une fosse rectangulaire emplie d’une eau brune foncée.



Redrock repère un artefact, sorte d’habit d’une seule pièce au côté d’un masque relié à un cylindre équipé de bretelles. Il se trouve au bas d’un escalier situé au ras de l’eau. Sans hésiter, je descends suivie de Redrock. Nous longeons des murs aux vitres brisées dont l’intérieur est totalement écroulé, descendons de multiples escaliers en enfilade dans ce vaste espace souterrain. La combinaison est dans un matériau souple et élastique sous les doigts, effectivement d’une seule pièce. Les bottes sont étrangement palmés et le masque est équipé de sangle pour l’attacher sur la tête. Je recueille précautionneusement le tout et nous remontons.

Ensuite, nous déambulons dans un paysage de grands bâtiment rouillés d’où émergent de grands tuyaux comme si une terrible apocalypse les avaient éventrés et qu’ils livraient à la vue leur boyaux gangrenés.
Selon notre Zonard, le niveau de Souillure est faible. Mais alors que nous longeons un de ces tristes édifices, nous percevons d’inquiétants grattements. Soudain une horde de rat de la taille de mon bras nous attaquent. Redrock s’enfuit immédiatement. La nuée nous submerge rapidement et cherche à nous mordre, leur gueule exsudant sans aucun doute la pire souillure. Je m’envole pour m’échapper, atterrissant 30 mètre plus loin pour me mettre immédiatement à courir. Mais Marv et Denrik sont pris par la horde et ce dernier reçoit une vilaine blessure à l’artère fémorale. Je suis tentée d’aller à leur secours, mais je sais que c’est une erreur et qu’une telle décision ne peut me conduire qu’à la mort. L’empathie est une lame à double tranchant dans notre univers. La cohésion de notre équipe est une chose fragile soutenue par l’espoir et martelée par la réalité. Heureusement, ils parviennent à s’enfuir et alors que je m’avance pour soigner Denrik, celui-ci s’occupe déjà de sa blessure avec dextérité. Nous nous accordons un peu de repos et bien que le Combinard soit salement amoché, cette halte lui permet de recouvrer ses forces. Puis nous poursuivons notre avancée car s’arrêter ici pourrait nous être fatal. Nos deux esclaves marchent tête baissée, sans mot dire, comme résignés, les épaules chargées de bidons, jerricans et autres bouteilles qui nous permettrons de ramener l’eau tant espérée.

Le paysage change encore et nous entrons dans une forêt maladive ponctuée de cratères formant de petite clairière. Redrock pose le pied à deux doigts d’un objet métallique enterré que j’inspecte avec précaution. Je me tourne vers mes camarades pour leur révéler que nous sommes au milieu d’un champ de mines ! Avec cette information, notre Zonard nous sort indemne de l’endroit pour continuer dans un paysage de cendres.

Enfin nous arrivons au lac. Il a une forme triangulaire et ses eaux sont turbides, noirâtres et peu engageantes. Au milieu trône une île comportant des infrastructures, des bassins de ce qu’il semble être de l’eau claire et une haute cheminée en son centre d’où sort une fine fumée. Nous faisons le tour de l’île afin de trouver un embarcadère ou à défaut, l’endroit le plus proche de l’atoll. Je prends ensuite 6 heures afin de construire deux radeaux. J’embarque avec Denrik, Redrock et Felin sur le plus grand tandis que Marv et Piro prennent l’autre. La traversée se passe sans encombre sauf pour le deuxième radeau qui coule. Fort heureusement ses deux occupants ont pied et finissent de rejoindre l’île en marchant.


Alors que nous venons juste d’aborder, une ombre gigantesque nous survole et nous apercevons, effrayés, un Faucon des Ordures de 3 mètres d’envergure se poser sur le sommet de la cheminée. Nous nous faufilons vers l’espèce d’entrepôt au pied de la cheminée et longeons le mur afin que l’immense oiseau ne nous repère pas. Malheureusement Redrock écrase bruyamment un débris de verre au moment où l’on aperçoit la porte de l’édifice. Un cri grinçant retentit, nous nous ruons sur la porte et pénétrons, alors que dans notre dos nous ressentons un énorme déplacement d’air. À l’intérieur un hall gigantesque, des poutrelles, des plate-formes métalliques, et un escalier qui descend dans les profondeurs. Soudain, un bruit de courses sur un escalier de métal, quelque part, invisible !



Nous voilà sur le qui-vive... Au milieu de ce grand espace, il y a une tour carrée qui rejoint le plafond. Denrik en monte discrètement l’escalier pour se retrouver devant une porte qui fut forcée mais à présent barricadée de l’intérieur. Il décide alors de descendre dans les fondations de l’édifice. En bas, des sortes de tentures en plastique et derrière, indistinctes, deux formes humaines. Denrik utilise sa mutation pour pousser, sous l’action d’une envie pressante, un des deux habitants à monter. Denrik nous planque et nous voyons trottiner dans notre direction une forme humaine, entièrement entourée de bandages crasseux et se tenant l’entrejambe. Marv lui tombe sur le râble. Il s’agit surprenamment d’un adolescent. Il nous révèle qu’ils sont une cinquantaine dans le lieu et son dirigé par Lutrel. L’énorme rapace leur pose des problèmes. Leur clan se nomme « Les Purs ». Je demande à Marv de le libérer afin de montrer notre bonne foi et lui demande de nous conduire à son chef.
Nous descendons à sa suite, passons les bâches plastiques pour se retrouver dans un espace immense, encore plus chaud et humide qu’au dessus. l’endroit est occupé par de grandes cuves parallélépipédiques surmontées de passerelles métalliques, reliées par d’autres passerelles où sont suspendus de nombreux hamacs. Le lieu résonne du bruit des outils et du travail. Soudain, à notre entrée, le silence tombe impressionnant par contraste, et à 80 mètres de nous, se levant d’une chaise posée sur une passerelle surplombant la seule cuve circulaire, nous découvrons Lutrel qui nous fait face...

À suivre

samedi 15 juin 2019

Mutant Année Zéro - Chapitre I

Cannibals holocaust

L'Aîné se meurt ! Et nous autres, ses enfants, Mutants de l'Arche, plongeons dans l'angoisse. Car que ferons nous quand le détenteur du savoir d'avant le Grand Cataclysme aura disparu, nous laissant dans ce monde dévasté, ravagé par la Souillure, privé de sa lumière pour nous guider.



Je me nomme Qwant et je suis une Rafistoleuse. L'Aîné nous a confié la gestion de l'Arche à mesure que ses forces le quittent, à moi et mes trois compagnons. Il y a Denrik le Combinard, Redrock le Zonard et Marv le Fracasseur. Les travaux de fortification de l'Arche sont finis mais la nourriture commence à manquer cruellement. Notre réserve de boîtes métalliques qui nous alimentent depuis des siècles est presque tarie et alors que nous initions le projet Terrafermar visant à créer des champs cultivables, nous sommes bien conscient de la nécessité d'aller explorer la Zone avec l'espoir de trouver de nouvelles ressources. La Zone est dangereuse, la Souillure est partout, souvent invisible mais toujours mortelle. Et si vous arrivez à l'éviter grâce aux talents des Zonards de l'Arche, vous attendent dehors cannibales ou créatures dégénérées.

Un Artefact des temps ancien représentant notre Arche. Vous remarquerez les écritures en haut à gauche.
Malgré cela, l'évidence s'impose et je me prépare à ma première sortie avec mes compagnons. Je suis très excitée par cette aventure. Quels nouveaux éclats de l'ancien monde vais-je découvrir ? Quel formidable Artéfact vais-je pouvoir ramener ? Quelles nouvelles inventions vais-je pouvoir créer ? Mon esprit frissonne aux chocs de mon imagination tout autant qu'aux fantasmes de toutes les horreurs qui nous attendent. Emportée par ces pensées, seule dans la cabine de ce que l'Aîné nomme "un paquebot" et que nous nommons l'Arche, mes ailes de libellule vrombissent doucement.

Nous nous équipons de nos maigres possessions, de quelques rations de nourriture et d'eau non souillées, vitales pour toute expédition dans le grand dehors. Nous comptons nos balles, elles nous seront précieuses pour nous défendre ou comme seule monnaie acceptée par les Mutants. Mon ami Redrock semble confiant. Il a déjà quelque peu exploré la Zone d'où il me ramène parfois un objet des temps anciens. Ou bien, cela vient-il du fait qu'il puisse se nourrir de cadavres et s'inquiète peu de nos rations ? Mon très cher Marv est calme. Son esprit simple, sa taille et sa musculature lui ont toujours donné confiance. Et ses jets d'acide lui ont toujours assuré protection. Quand à Denrik, qui peut dire à quoi songe son esprit tordu et calculateur. Je ne suis pas sûre de pouvoir compter sur lui dans cette aventure, mais l'Aîné l'a choisi et sa parole fait loi.

Un Esclave a signalé à Redrock un bâtiment étrangement en bon état et dont les vitres sont toujours intactes. Il y a aperçu : "un culte, des silhouettes d'hommes et de femmes habillés de longues robes, à la peau pâle, semblant ne pas être affectés par le froid et la crasse de la Zone, marchant silencieusement". Notre Zonard estime à 4h le temps aller de cette expédition.
Nous nous mettons en route, sur le qui-vive, traversant un paysage désolé, ponctué de végétaux calcinés, noirs et rabougris et de bâtiments longs et bas, mangés par la rouille, d'où sortent parfois des tuyaux ou de grandes cheminées semblant vouloir toucher les éternels nuées grisâtres qui recouvrent notre monde.

Dessin réalisé d'après la description qui m'en a été faite.
En vu de la bâtisse, Redrock part en éclaireur. Nous le voyons, quelques instants plus tard, nous faire des grands signes incompréhensibles et nous nous approchons. Le bâtiment est petit, bas et seule une pièce au rez-de-chaussée a été épargnée. Il nous signale une corde dépassant d'une fenêtre basse et se terminant dans les cadavres d'arbres présent. Denrik s'approche furtivement des arbustes. Une extrémité de la corde est attachée au pied de l'un deux et l'autre se perd dans la crasse des carreaux, effectivement intacts, et la noirceur d'une pièce indistincte. Puis il s'approche de la fenêtre, en essuie un morceau de sa manche puis se lance dans une pantomime. Ne comprenant pas plus que précédemment, Redrock le rejoint pendant que Marv et moi nous allons vers la porte. Marv écoute sans rien déceler, je me munis de mon fusil, il s'empare de sa hache et nous entrons.
Au milieu de la pièce, une robe d'une blancheur éblouissante scintille sur un mannequin. Au sol, non loin, 5 ou 6 poutres d'acier pèle-mêle reposent sur une trappe. Je m'approche fascinée de cette ample robe dont le tissu d'une facture prodigieuse est constellé de minuscules étoiles. J'ai presque le souffle coupé à la découverte de cette Artéfact. Dehors, derrière la vitre, Redrock nous hurle des paroles inaudibles. Bon sang, qu'est-ce qui lui prend ?! Ne se souvient-il pas que dans la Zone tout son porte à des kilomètres et que la nuit, le moindre feu luit comme un phare ? Du sol retentit des coups que j'entends à peine, déjà à la recherche d'une moyen de dégrafer ce trésor de son piédestal. Après avoir fait le tour du bâtiment, Denrik nous rejoint tirant Redrock par le bras.
Les coups redoublent et Marv s'approche de la trappe et invective les potentiels prisonniers. Une voix appelle à l'aide. Il s'agirait donc bien de Mutants retenus captifs. Nous décidons de tenter de les libérer et pendant que je plie avec un soin extrême la robe et la range dans mon sac, Marv et Redrock dégagent les poutres pendant que Denrik fait le guet car Redrock nous annonce que les créatures blanchâtres doivent être des cannibales. Une tribu associable, vindicative et atteint de folie furieuse et meurtrière.


Cannibale : associable, vindicatif, fou meurtrier
Arrivée à la dernière poutre, Redrock sort son arme et vise la trappe alors que Marv et moi la poussons, saisissons nos armes et ouvrons la trappe en nous positionnant derrière. Les cris se font plus pressens, dans plusieurs langages dont un seul nous est intelligible. Des escaliers descendent dans une obscurité complète au delà de quelques pas tandis que monte une affreuse odeur d'excréments, d'urine et de décomposition. Je descends lentement, mon fusil à l'épaule alors que j'entends Marv m'emboiter le pas. Une voix me guide vers le mur de droite. J'hésite ! Est-ce un de ces pièges que la Zone nous réserve ? Denrik use de sa mutation. Son front se bombe en un torus disproportionné et il lit l'esprit du captif. Il est sincère et réellement désespéré. Je longe de la main le mur de droite, explorant à tâtons la maçonnerie parsemée de corps nues d'hommes ou de femmes attachés par les poignets par des chaînes tendus au dessus de leur tête. On me parle, on me supplie dans des langues inconnues. Je bouscule une table sur roulette. Un être gémis. Un lourd morceau tombe. J'imagine un Mutant entravé et à moitié dévoré. Un nouveau gémissement se fait entendre, je rejette ces images et poursuit mon exploration aveugle. J'atteins enfin le prisonnier qui m'implore de le libérer. Mais alors que je reste interdite sur le moyen d'ouvrir ses chaînes, songeant à l'acide de Marv, Redrock resté en surveillance avec Denrik aperçoit trois cannibales, lances au poing, se ruer vers lui.

À suivre